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le séminaire des Missions étrangères, avait dit plusieurs fois à ses confrères, en contemplant les chaînes et les ossements des martyrs, qu’il ne saurait comment faire pour souffrir et mourir courageusement comme eux si son tour devait venir, tant la vue de leurs supplices lui faisait horreur, transformé maintenant par la grâce et la vertu de Jésus-Christ, aspirait tout haut mourir et rayonnait d’une joie surhumaine à l’approche du supplice.

Quand le moment de quitter sa maison fut venu, il jeta au loin ses sandales pour aller plus légèrement et plus vite à la mort. Il s’avançait comme un triomphateur au milieu de ses gardes et de ses bourreaux, le visage riant, la tête haute, tenant dans sa main sa chaîne relevée et récitant d’ardentes prières. La foule qui l’entourait était saisie, à sa vue, d’étonnement et d’admiration.

« Quel héros ! s’écriaient ces pauvres infidèles : il va à la mort comme les autres à une fête. Quel courage ! Pas le moindre signe de frayeur ! Quel air de bonté et de douceur ! Pourquoi le roi égorge-t-il des hommes semblables ? »

Arrivé au lieu du supplice, le martyr se mit un instant en prière, à genoux sur le bord d’un champ, et offrit à Dieu le sacrifice de sa vie. Il prit dans ses mains un petit crucifix qu’il portait sur lui, le baisa par trois fois avec une tendre émotion. Sur l’invitation du bourreau, il quitta sa tunique, rabattit le col de sa chemise jusque sur ses épaules, et cela avec aisance et promptitude, comme il eût pu le faire en tout autre temps. Puis, l’exécuteur lui ayant lié les mains derrière le dos, M. Schœffler à genoux, les yeux levés vers le ciel :

« Faites, lui dit-il, promptement ce que vous avez à faire. »