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dans toute sa grandeur et sa simplicité sublime l’image des premiers martyrs de Jésus-Christ !

La mort de M. Cornay fut digne de sa longue et douloureuse passion. C’était le 20 septembre 1837 ; on le porta dans sa cage jusqu’au lieu de l’exécution. Pendant le trajet, il chanta, puis lut des prières avec un calme et une sérénité admirables. Arrive au terme de ce dernier voyage, il sortit de sa cage, s’assit à terre et on lui ôta ses fers. Des soldats étendirent des nattes sur le sol, et le tapis d’autel de M. Cornay fut plié en quatre et posé sur les nattes. Sur l’ordre des bourreaux, le martyr ôta une partie de ses vêtements et s’étendit sur le tapis, la face contre terre, les pieds à peu près réunis et les bras en croix. Tous ces préparatifs durèrent vingt minutes.

Les bourreaux étaient debout autour du patient, le sabre levé, prêts à frapper au signal convenu… Enfin la cymbale retentit, et la tête du martyr est détachée d’un seul coup. En même temps les autres bourreaux coupaient à coups de hache ses bras et ses jambes, qu’ils jetèrent de côté et d’autre puis ils partagèrent le tronc en quatre morceaux, comme font les bouchers. On vit alors, chose horrible ! le bourreau qui avait décapité le martyr lécher la lame sanglante de son sabre, et d’autres misérables se disputer le foie de la victime pour le dévorer !

Les restes mutilés de M. Cornay furent recueillis plus tard avec mille dangers par les soins de ses confrères, et reçurent une sépulture digne d’un chrétien et d’un martyr. Dans la chambre du séminaire des Missions étrangères, on possède de lui plusieurs touchantes reliques, la corde avec laquelle il fut attaché au moment de sa mort, un peu de ses cheveux, et le tapis d’autel sur lequel il fut décapité et coupé en morceaux. Ce tapis est rouge, couvert de larges taches de sang que le temps a rendues presque noires on y voit de profondes entailles faites par la