Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/299

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quillement ses impressions de chaque jour. On en pourra juger par les extraits suivants, que je n’ai pu lires pour ma part, sans une vive admiration.

À l’approche des soldats qui le cherchaient, il s’était caché dans un épais buisson. On finit par découvrir sa retraite, et on l’arrêta.

« Me voilà donc pris, écrit-il. On coupa une liane dans le buisson, et, pendant qu’on m’attachait les bras derrière le dos, je m’offris à Jésus garrotté. Conduit devant les mandarins, je me mis genoux et rendis mes hommages à Jésus crucifié et à la très sainte Vierge, dont les images, saisies avant mon arrestation, étaient suspendues derrière les mandarins.

« Ils virent que mes yeux étaient fixés sur ces objets sacrés, et, me les présentant, ils m’en demandèrent l’explication. Je leur fis sur-le-champ ma profession de foi par un signe de croix bien carrément formé et clairement prononcé… La proie était trop belle pour lui laisser la possibilité de s’évader. On s’empressa, en conséquence, de me mettre la cangue au cou, cette cangue qui doit un jour se changer pour nous en auréole de gloire !

« … On m’avait donné, pour la nuit, une mauvaise natte toute déchirée. Je m’assis, et, pour prendre un peu de repos, j’appuyai ma cangue à terre, un bout relevé sur un tertre, afin de rejeter mon bras par-dessus. Mais, pendant cette longue et triste nuit, que je passai à la belle étoile, le sommeil ne vint pas fermer mes paupières ; je fus donc témoin tout à l’aise de la dureté de la discipline militaire du pays.

« Pour la moindre faute, la moindre geste qui déplaît aux officiers, on accable de coups ces pauvres soldats, qui souffrent tout en esclaves. Au plus petit signe du commandant, on les jette à terre et on les frappe jusqu’à ce qu’il plaise à celui qui préside de dire : « C’est