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cachot. Demain j’écrirai aux pères annamites pour les prier de dire des messes pour vous. Excusez-moi de ce que, la dernière fois que je vous vis, je vous mis mon éventail à la gorge, croyant plaisanter et ne me doutant guère de l’issue de votre jugement. Le roi n’a pas encore désigné le jour de votre exécution. Si je ne puis le connaître, je ne manquerai pas de vous le faire savoir… »

Le 13 au matin, M. Gagelin répond à M. Jaccard : « Chû-Tong m’assure qu’il ne sait rien du tout ; comment cela est-il possible ? La sentence que vous m’annoncez est postérieure, et, hier soir, j’en ai entendu parler ; cependant je ne crois pas la chose absolument décidée comme vous le dites. Je désire beaucoup vous rencontrer je me recommande à vos prières et à celles du père Odorico… »

Quelle tranquillité ! quel calme Ne dirait-on pas qu’il s’agit d’un autre ?

Le même jour, M. Jaccard lui répond « Vous pouvez être certain que vous êtes condamné à mort, et cela pour avoir prêché la pure morale de l’Évangile et Jésus crucifié… Les choses, cher confrère, sont comme je vous le dis. Le roi ne veut plus de chrétiens ni de missionnaires ; mon tour et celui du père Odorico pourront venir. »

Le lendemain, 14 octobre, il lui écrit encore « Nous avons des gardes depuis hier ; le jour, nous avons deux soldats qui nous surveillent, et, la nuit, nous en avons quatre : nous pourrons vous suivre de loin. Votre sentence est prononcée irrévocablement : lorsque vous aurez subi le supplice de la corde, on vous coupera la tête pour la porter dans les provinces où vous avez prêché le christianisme. Ainsi vous voilà martyr que vous êtes heureux ? Marquez-moi un Lætatus sum in his quæ dicta sunt mihi, et je célébrerai une messe d’action