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étrangères en 1820, n’étant encore que sous-diacre ; avait été ordonne prêtre en Cochinchine au mois de septembre 1820, et s’était livré dès cette époque aux rudes travaux et à la vie crucifiée du missionnaire avec un zèle infatigable. À la suite de l’édit de persécution lancé, le 16 janvier 1833, par Minh-Ménh, roi du Tong-King, espèce de Néron asiatique, il se livra volontairement aux magistrats pour ne pas compromettre les chrétiens qui lui donnaient asile ; il fut aussitôt chargé d’une cangue et conduit à Hué, capitale du royaume, où il arriva le 23 août.

Il y trouva un autre missionnaire, M. Jaccard, que le tyran retenait captif à sa cour, et qu’il employait à traduire des livres européens, en attendant qu’il le fit torturer et mourir. Pendant quelque temps, M. Jaccard put visiter librement son ami dans sa prison ; mais, à partir du 14 octobre, le cachot de M. Gagelin fut gardé jour et nuit, et l’entrée en fut interdite à son ami. Les deux missionnaires en furent donc réduits à s’écrire ; leur correspondance est si sublime de foi et de simplicité chrétienne, que je ne puis m’empêcher d’en citer au moins quelques extraits ; ces citations montreront mieux que tous les discours ce que c’est que le cœur d’un missionnaire.

Le 12 octobre. M. Jaccard écrit à M. Gagetin : « Je crois devoir vous annoncer sans détour, bienheureux confrère, que nous avons appris que vous êtes condamné à mort pour être sorti de Dong-Nai, où le roi vous avait permis de rester, afin d’aller dans différentes provinces prêcher la religion. D’après ce que nous avons entendu, vous êtes condamné & mourir par la corde… J’espère que si le bon Dieu vous accorde la grâce du martyre que vous êtes venu chercher si loin, vous n’oublierez pas votre pauvre confrère, que vous laisser derrière vous… Mon grand regret est de ne pouvoir vous aller voir. Je verrai si, avec de l’argent, je puis pénétrer dans votre