Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/286

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la paix et la joie rayonnaient sur leurs visages. « La grâce que je reçois vient de Dieu seul, disait Pierre Tu en saluant une dernière fois les chrétiens qui se pressaient sur leur passage. – Il faut bien remercier Dieu, mes frères, » disait de son côté Antoine Nam. Quand le cortége fut arrivé au lieu où monseigneur Borie avait été martyrisé, Pierre Tu demanda l’endroit précis où son cher maître avait été mis à mort on le lui indiqua, et il s’y agenouilla pour prier. Antoine Nam, s’étant fait conduire à l’endroit même où les deux prêtres annamites avaient achevé leur sacrifice, s’y arrêta et dit : « Je vous remercie, ô mon Dieu ! de m’accorder la même grâce et le même bonheur ! » C’est ce même endroit qui avait été choisi pour leur exécution. Le mandarin fit enlever leurs cangues et permit à la famille d’Antoine Nam et a ses amis de venir lui dire adieu. On vit alors ses enfants, ses petits-enfants et ses proches, se précipiter vers lui, se jeter à ses pieds et l’embrasser en pleurant. Lui, toujours plein de calme et de sérénité : « Séchez vos pleurs, dit-il après leur avoir rendu leurs caresses, réjouissez-vous et prenez part à ma joie. Et maintenant ne me saluez plus ; gardez la paix entre vous, aimez-vous les uns tes autres, et glorifiez Notre-Seigneur Jésus-Christ, »

Le mandarin lui ordonna de se coucher à terre et d’étendre ses bras en forme de croix. Il obéit humblement en disant : « C’est ainsi que mon Sauveur Jésus-Christ fut autrefois attaché sur l’arbre du Calvaire. » Il fut aussitôt étranglé, ainsi que Pierre Tu, et tous deux allèrent rejoindre dans le ciel monseigneur Borie et ses glorieux compagnons.

M. Gagelin, dont les ossements sont renfermés dans le reliquaire à gauche de celui de monseigneur Borie, subit le martyre en Cochinchine le 17 octobre 1833, à l’âge de trente-quatre ans. Il avait quitté le séminaire des Missions