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Plus tard, les ossements de monseigneur Borie furent envoyés au séminaire des Missions étrangères et déposés dans la chambre des martyrs, avec son calice, sa cangue et son crucifix. Sa cangue est celle-là même dont j’ai parlé plus haut, qu’on voit entre les fenêtres du sanctuaire ; quand on songe que cette lourde croix a reposé jour et nuit, durant quatre mois, sur tes épaules du martyr, on s’étonne à la fois de la malice des hommes qui ne connaissent pas le vrai Dieu, et de la force surhumaine que ce Dieu tout-puissant donne à ses serviteurs.

Le crucifix de monseigneur Borie est posé devant le reliquaire qui renferme ses ossements. Il est en cuivre, et rouge encore du sang du martyr, dont il reçut le dernier soupir, Il me fut permis d’y poser mes lèvres ; je le fis avec respect et tremblement, en songeant que la bouche mourante de monseigneur Borie s’y était collée avant la mienne. Les militaires qui étaient là voulurent faire comme moi ; je ne doute pas qu’ils n’aient tous puisé de la force et du courage chrétien, le plus difficile des courages, dans le contact du sang généreux dont il était couvert.

Au-dessus des reliques du martyr, deux tableaux représentent son arrestation et son supplice.

Antoine Nam et Pierre Tu, les derniers compagnons de captivité de monseigneur Borie, ne furent mis à mort que près de deux ans après lui. L’un était un vieillard, l’autre presque un enfant, mais tous deux furent inébranlables dans leur amour pour Jésus-Christ. Au milieu des tourments, Antoine Nam répondait avec calme aux obsessions de ses juges : « J’abandonne mon corps au roi, mais je donne mon âme à Dieu ! » Enfin, désespérant de leur arracher une apostasie, le roi prononça leur arrêt de mort à tous deux. C’est le 18 juillet 1840 qu’on les conduisit au supplice.

Nam marchait le premier, Pierre Tu le suivait de près :