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Par l’ordre du mandarin, leurs corps furent enterrés sur le lieu de l’exécution. C’était le 24 novembre 1838.

« Depuis cette époque, écrivait, un an plus tard, le 29 décembre 1839, M. Masson, missionnaire apostolique, j’ai hasarde plusieurs démarches, j’ai même fait beaucoup de dépenses inutiles dans le but d’exhumer ces précieuses reliques et de leur donner une sépulture convenable. Je devais mettre d’autant plus d’empressement à m’acquitter de ce devoir que déjà les païens des environs, regardant nos martyrs comme des génies tutélaires, brûlaient sur leur tombe du papier en leur honneur et leur rendaient un culte superstitieux.

« Enfin nous avons obtenu à force de présents la permission d’enlever en secret les corps de nos saints confrères. Comme ils étaient enterrés depuis plus d’un an dans un lieu très humide, et que d’ailleurs le cercueil de monseigneur Borie, s’étant trouvé beaucoup trop court, ne protégeait qu’à demi ses restes vénérés, je donnai ordre d’enlever, par le moyen de la chaux, les chairs que je croyais en état de putréfaction, et de ne recueillir que les ossements. Mais, contre mon attente, les corps de nos martyrs furent retrouvés parfaitement sains, sans nulle mauvaise odeur et tels à peu près qu’au jour de leur mort. Malheureusement mes chrétiens, quoique fort surpris de cette merveilleuse conservation, exécutèrent trop à la lettre les instructions que je leur avais données, et ne m’apportèrent que les ossements de monseigneur Borie et du père Khoa. Bientôt nous posséderons aussi ceux du père Diem : on n’a pas osé prendre les trois corps en même temps, de peur que le bruit ne s’en répandit dans le voisinage. Ces saintes reliques me furent remises le 2 décembre, sur le soir. Notre joie fut grande de pouvoir nous agenouiller devant les restes précieux de ces apôtres du Tong-King… »