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vous taire ? » Le confesseur de la foi répondit avec une confiance en Dieu et une défiance de lui-même admirables « Quand le roi me mandera, je verrai : je n’ose présumer de moi-même à l’avance, »

On tortura également ses compagnons, qui furent invincibles comme lui. Pierre Tu, son jeune élève, montra une sublime énergie. — « Si tu veux me suivre, lui avait dit monseigneur Borie, il faut t’armer de courage garde-toi de faire aucune révélation qui puisse compromettre personne. » — Le saint jeune homme avait promis de se taire et suivit son maître ; il se montra digne de lui. Il reçut cent dix coups de rotin en quatre fois dès la seconde, il ne restait plus, sur la partie frappée, vestige de chair humaine. Son courage ne se démentit point un instant, et les mandarins vaincus cessèrent de le faire tourmenter.

Enfin le jour de la délivrance arriva. C’était le 24 novembre 1838. Un des mandarins, qui avait toujours été bienveillant pour les prisonniers, vint leur annoncer que le roi avait ratifié le jugement qui condamnait monseigneur Borie à avoir la tête tranchée sur-le-champ, les deux prêtres indigènes à être étranglés, et qui suspendait, jusqu’à nouvelle ordre, l’exécution du catéchiste Nam et de Pierre Tu.

Le mandarin leur offrit en même temps de leur faire préparer un repas, selon la coutume du pays mais comme c’était un samedi et qu’ils jeûnaient ce jour-là, monseigneur Borie refusa ; seulement il consentit, pour plaire au mandarin, à boire un peu de vin.

Le moment des adieux était arrivé. Les prisonniers chrétiens qui partageaient leur captivité se levèrent pour saluer une dernière fois les martyrs. Ceux-ci étaient radieux les autres seuls pleuraient de les voir mourir et de ne pas mourir avec eux. Monseigneur Borie embrassa