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èze, en 1808, était doué d’un caractère plein d’énergie et de dévouement. Poussé dès son enfance par une vocation irrésistible vers le sacerdoce, il entra au grand séminaire de Tulle en 1826, et en 1829 au séminaire des Missions étrangères. Deux paroles de lui montreront quels étaient dès lors son mépris des souffrances, son énergie et sa foi.

Peu de temps avant son départ, il dut subir une opération très douloureuse au genou. Pendant l’opération, il demeura tranquille, presque souriant, et ne poussa pas un seul cri. Le chirurgien lui ayant témoigné sa surprise d’un pareil calme dans une pareille souffrance, le jeune missionnaire lui répondit simplement : « Si, par la suite, je suis empalé par les infidèles, je souffrirai bien davantage

Au moment de quitter le séminaire et la France, deux de ses confrères qu’il affectionnait particulièrement lui faisaient leurs adieux. Il les embrassa tendrement et leur dit avec un accent de joie qui dominait sa tristesse : « Adieu jusqu’au jour de la résurrection éternelle ! »

Il pressentait, dès lors, qu’en allant au Tong-King il allait au martyre. Ce pressentiment ne l’abandonna jamais et n’altéra jamais son calme ni sa gaieté. Pendant six ans, il parcourut l’immense district qu’il était chargé d’administrer, convertissant en foule les idolâtres, soutenant les chrétiens et leur portant les sacrements de l’Église au milieu de mille dangers de tout genre. La persécution sévissait alors avec fureur, et il lui fallait, pour éviter les embuscades de ses ennemis, s’éloigner des chemins frayés, traverser les marais et les précipices, parcourir des forêts sauvages, habitées seulement par les tigres. Mais rien ne pouvait ralentir l’ardeur de sa charité

« Je marche, écrivait-il à cette époque, au milieu d’une nuit profonde, dans les chemins étroits et tortueux, bien