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du parfum étrange qu’on y respire c’est cette odeur indéfinissable des objets chinois, qu’on ne peut confondre avec aucune autre quand on l’a une fois sentie, et dont les reliques mêmes qui reposent en ce lieu semblent imprégnées.

D’un côté de la chambre, de grands reliquaires, dont les parois sont en verre, laissent voir les ossements des martyrs qu’on a pu dérober à la fureur des païens et faire parvenir jusqu’en France. De l’autre côté, des vitrines renferment des souvenirs de tout genre, des lettres et des cheveux de missionnaires dont on n’a pu avoir d’autres reliques, des débris de cangues, des sentences de mort, les cordes qui ont servi à étrangler les martyrs, les chaînes de fer qu’ils ont portées, leurs ornements sacerdotaux, des tapis, des vêtements teints de leur sang, des crucifix où ils ont posé leurs lèvres au moment de mourir.

Enfin, pour que toutes les parties du sanctuaire aient leur éloquence à la fois douloureuse et consolante, les murs sont partout recouverts de peintures chinoises, sans art et sans perspective, mais d’une terrible réalité, représentant les principaux épisodes de l’arrestation, de la condamnation et de la mort des martyrs missionnaires ou indigènes.

Entre les deux fenêtres, une cangue appuyée à la muraille complète la physionomie de la chambre. C’est une sorte de carcan de trois mètres de longueur, d’un poids énorme, au centre duquel est une ouverture pour la tête du patient, et que les condamnés, en Chine et au Tong-King, portent nuit et jour dans leur prison avec mille souffrances jusqu’au jour de l’exécution.

J’ai souvent visité cette chambre des martyrs, et jamais je n’y suis entré sans une vive émotion jamais non plus je n’en suis sorti sans en remporter une impression salu-