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et le sang ; parce que, même au milieu de son martyre, son âme était inondée des consolations ineffables réservées aux bien-aimés du Seigneur ; enfin, parce qu’elle a mérité dans le ciel une couronne de félicité d’autant plus brillante qu’elle a plus souffert ici-bas.

Pour ceux qui l’ont entourée et visitée sur sa couche sanglante, parce que sa seule vue a été pour eux une grande leçon et un impérissable enseignement parce que les milliers de personnes qui l’ont vue ont emporté de sa pauvre chaumière une foi plus vive, une crainte de Dieu plus grande jointe à un plus grand amour parce que son sang, en coulant, a fait couler bien des larmes de repentir, converti des hérétiques et des incrédules, et sanctifié non seulement sa famille et ses amis, mais toute la contrée environnante.

Enfin, pour l’Église et pour l’universalité des hommes, parce que c’est la prière des justes qui sauve les sociétés et les empires, et que la souffrance acceptée et offerte à Dieu est la plus puissante des prières. Oui, si le monde vit, s’agite et prospère ; si, malgré tous les crimes et les vices qui pullulent sur la terre, malgré les blasphèmes qui s’élèvent incessamment de tous les points du globe comme des vapeurs pestilentielles pour former un orage de malédiction, cet orage de la colère divine n’éclate point, et si la foudre reste suspendue sur nos têtes, menaçante toujours, mais toujours inactive, c’est que Dieu accorde la grâce des pécheurs aux larmes et aux prières des innocents et des saints c’est qu’il y a partout, dans les campagnes et dans les villes, dans les palais, dans les couvents et dans les chaumières, des âmes pures et austères qui prient, qui pleurent, qui souffrent, âmes puissantes et privilégiées, vraies bienfaitrices du genre humain, que le monde ignore ou méprise, et sans lesquelles cependant le monde ne serait plus !