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et des médecins l’ont visitée à plusieurs années d’intervalle ; tous l’ont trouvée, comme nous-mêmes, toujours mourante et toujours vivante, et quiconque voudra parcourir le livre que j’ai indiqué plus haut de M. Léon Borée, se convaincra que leurs relations sont absolument identiques à la mienne. Seulement, la plupart d’entre eux ont vu plus que nous, ayant pu visiter l’addolorata un vendredi ; ils ont vu saigner ses plaies, et, chose étrange qu’ils affirment en témoins oculaires, et qui prouve à elle seule que la main de Dieu est là, ils ont constaté avec stupeur que le sang qu’ils voyaient sortir de la plaie des pieds, au lieu de suivre son cours naturel et de descendre vers les talons, coulait en remontant vers les doigts, contrairement aux lois de la gravité, mais comme il eût coulé naturellement si Domenica eût été en réalité attachée à la croix, tant elle devait être en tout l’image vivante de Jésus crucifié !

Voilà les faits exposés simplement, sans réticences, sans respect humain, mais sans exagération, bien loin de là, car j’en ai passé beaucoup sous silence, et je ne pense pas que personne, devant une telle masse de témoignages honorables, puisse sérieusement en contester la véracité. Une fois les faits admis, reste, comme pour l’extatique de Kaltern, à en trouver l’explication.

Sera-ce la fraude ? Je me reproche presque d’indiquer même cette hypothèse : non, personne, croyant ou incrédule, n’oserait prononcer ce mot odieux en face de cette pauvre et sainte fille, couverte de plaies, percée, flagellée, sanglante, vivant pendant quatorze années dans un martyre incessant, sans que jamais une plainte volontaire soit sortie de sa bouche. Ses affreuses douleurs, sa sainteté évidente, l’autel que son évêque lui a permis, à elle aussi, d’avoir dans sa pauvre chaumière, l’Eucharistie qui fut pendant si longtemps sa seule nourriture, la mi-