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tion : elle est pauvre, modeste, pleine de silence et de recueillement. L’autel est en bois ; des stalles garnissent les deux côtés du chœur. Les étrangers assistent aux offices dans une tribune haute, d’où ils peuvent tout entendre et tout voir sans être mêlés aux religieux. C’est un spectacle admirable et bien fait pour toucher les âmes les plus dures que celui de cette humble chapelle quand les moines y sont en prière. Vêtus de leurs longues robes blanches, appuyés sur leurs stalles, la tête rasée, les yeux baissés vers la terre, ils eurent l’image de la méditation et du recueillement.

Le père abbé est au milieu d’eux, distingué seulement par la croix de bois qu’il porte sur sa poitrine, et par sa crosse également en bois, véritable houlette qui indique le pasteur de ce troupeau béni. Les trappistes chantent alternativement les versets des psaumes, et, dans certains offices, la beauté sévère de leur chant, la puissance et l’étendue de leurs voix augmentent encore la profonde émotion religieuse que leur vue seule inspire : leur Salve, Regina, est connu de tout le monde. Ils chantent tous les jours cette admirable prière toute pleine des larmes de l’exil et des ardentes inspirations de l’amour chrétien, à l’imitation de saint Bernard, l’immortel fondateur de l’ordre de Cîteaux.

On sait que ce grand saint, se trouvant un jour en prière dans la cathédrale de Spire, fut comme ravi en extase et s’écria à haute voix, avec un accent du ciel : « O clemens ! o pia ! o dulcis Virgo Maria ! » paroles qui furent ajoutées depuis lors au Salve, Regina, et que des millions de voix répètent chaque jour dans tout l’univers catholique.

Mais il est quelque chose de plus beau, de plus céleste que le chant des trappistes, c’est leur silence dans la prière. À certaines heures de la journée, quelques mo-