Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/259

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

stigmatisée pendant la durée de l’office, auquel elle s’unissait d’esprit et d’intention. Nous pensâmes que nous ne saurions mieux faire que d’imiter son exemple et celui des bons villageois, et nous nous rendîmes à l’église, qui est placée & l’extrémité du village. Elle était remplie de monde, et tel était le recueillement de l’assistance, qu’à notre entrée pas une tête ne se retourna pour nous regarder. Les hommes étaient d’un côté de la nef, les femmes de l’autre, et tous chantaient à l’envi et du fond du cœur les louanges du Seigneur. On sentait, à l’air de piété qui régnait chez ces braves gens, que la présence au milieu d’eux d’un témoignage vivant de la puissance divine agissait sur leurs cœurs et les remplissait de la crainte et de l’amour de Dieu.

L’église de Capriana est admirablement située sur une plate-forme que termine brusquement un précipice presque a pic. Au fond de ce précipice, un rapide torrent fuit parmi des rochers : l’aspect de toute cette nature est heurté, sévère et désolé, et, comme celui de Kaltern, il est en parfaite harmonie avec le mystère que Dieu a placé dans son sein. Kaltern et Capriana, avec leurs deux stigmatisées, sont en présence et presque en vue l’un de l’autre comme le Thabor et le Calvaire, et il semble que Dieu ait voulu, en suscitant en même temps et si près l’une de l’autre ces deux merveilles de gloire et de douleur, offrir aux yeux l’image vivante et simultanée de sa douloureuse Passion et de sa résurrection glorieuse. Le cimetière de Capriana est auprès de l’église : quelques croix de bois indiquent la place des tombes : c’est là que repose maintenant la dépouille matérielle de l’addolorata, qui mourut à trente-trois ans, comme le Seigneur, deux ans environ après la visite que nous lui fîmes et que je raconte en ce moment.

L’office était terminé et l’heure de voir Domenica