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prenant congé de nous avec un sourire du ciel, elle retomba en extase. Sa contemplation avait sans doute quelque objet d’auteur eux, car nous l’entendîmes pousser des gémissements très plaintifs, et nous vîmes une expression de souffrance traverser, comme une ombre, la splendeur céleste de son visage. J’ai résumé l’impression générale que j’emportai d’elle par cette phrase que je retrouve sur mes notes de voyage, et que je retrouve aussi toute vivante dans mon souvenir « On comprend le ciel quand on l’a vue ! »

Nous quittâmes Kaltern le jour même, et nous allâmes coucher au petit bourg d’Egna. Le lendemain dimanche, 30 août, après avoir entendu la messe de grand matin, nous partîmes pour Capriana, petit village perdu au milieu de rochers sauvages, où demeurait la seconde stigmatisée, Domenica Lazzari. Pour arriver à ce village, il faut franchir une montagne assez élevée qui sépare la vallée de Capriana de celle de Kaltern. Nous étions à pied la route était rude et difficile, et, pour comble de malheur, peu de temps après notre départ, la pluie se mit a tomber avec violence. Nous parvînmes avec beaucoup de peine au haut de la montagne et nous y trouvâmes avec joie une pauvre chaumière, où nous entrâmes pour nous reposer quelques instants.

Les habitants de cette modeste demeure nous accueillirent avec la cordialité qu’on retrouve partout chez ce bon peuple du Tyrol. Ils allumèrent un grand feu de broussailles et de fagots pour sécher nos vêtements tout trempés par la pluie. Ils nous donnèrent à boire un peu d’eau-de-vie, que nous acceptâmes aussi simplement qu’elle nous était offerte et, tout en nous chauffant au coin du feu, nous nous mîmes à causer.

Dans cette partie du Tyrol, on parle tantôt allemand, tantôt italien ; la langue change quelquefois d’un village