Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/253

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quand nous vîmes Mafia de Mœrl, il y avait plus de douze ans qu’elle était dans cet état de stigmatisation et d’extase perpétuelle, ne quittant jamais son lit, où elle est sans cesse agenouillée, à moins que la douleur ou l’ordre de son confesseur ne l’oblige à changer de position. « Alors, elle s’étend et repose quelques instants couchée sur le dos, mais toujours habillée, immobile, les mains jointes, les yeux ouverts et fixes, comme une personne absorbée dans la plus profonde contemplation. Elle a l’ouïe, elle a la vue, elle a la parole, et n’en fait aucun usage ; elle vit et ne sent rien ; on l’appelle, elle ne répond pas ; on la touche, on la change de linge et de vêtements sans qu’elle le remarque. Elle ne dort point, elle ne mange que par obéissance et à de longs intervalles un peu de fruits et rarement quelques miettes de pain. Elle vit d’une vie toute spirituelle, entièrement et incessamment ravie hors d’elle-même par des visions qui se réfléchissent dans chaque mouvement de son corps, dans chaque expression de ses traits, de sorte qu’on voit écrites, ou plutôt peintes, sur sa figure les paroles de saint Paul : transporté au ciel et entendant des secrets qu’il n’est pas permis à l’homme de révéler

Telle nous l’avons vue, telle l’ont vue avant nous, depuis 1833 jusqu’en 1846, d’innombrables voyageurs, dont beaucoup ont écrit leurs impressions, et qui tous attestent les mêmes faits. En relisant ces relations publiées par M. Léon Borée, l’un des officiers les plus distingués de l’Université, et frère de l’illustre supérieur des lazaristes à Constantinople, nous avons été étonné et ravi de les trouver absolument conformes nos propres observations. Tous ont tout vu, tout senti, tout décrit comme nous, et, chose incroyable ! l’impression produite a été

    du Tyrol, où la relation de Gœrres se trouve tout entière à Paris, chez Jacques Lecoffre. (Note de l’auteur.)