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semblent avoir reçu leur couronne dès cette vie aussi Marie de Mœrl, au sein de sa vie surnaturelle, connaît-elle la souffrance. Dès l’automne de 1833, le P. Capistran avait remarqué par hasard que le milieu des mains de l’extatique se creusait comme sous la pression d’un corps en relief. Sachant que le phénomène des stigmates a été connu de tout temps dans l’Église, il pensa dès lors qu’il ne tarderait pas se manifester chez Marie de Mœrl. En effet, le 2 février 1834, il la vit s’essuyer tes mains avec un linge, enrayée comme un enfant de ce qu’elle apercevait ; puis, ayant remarqué des taches de sang sur le linge, il lui demanda ce que c’était. Elle répondit qu’elle n’en savait rien que sans doute elle s’était blessée : mais c’était réellement les stigmates, qui restèrent désormais fixes aux mains et ne tardèrent pas à se manifester aux pieds, tandis qu’elle recevait au côté l’empreinte du coup de lance du Golgotha. Ces blessures sacrées n’ont pas cessé depuis lors de laisser couler le jeudi soir et le vendredi du sang clair qui tombe lentement et par gouttes ; les autres jours, elles sont couvertes de sang desséché, sans qu’on y ait jamais remarqué les moindres signes d’inflammation ni d’ulcération. En même temps que ses plaies saignent, Marie de Mœrl, toujours en extase, souffre cruellement ravie hors du temps et transportée dans ce monde de l’éternité où il n’y a ni passé ni avenir, mais où tout est éternellement présent, elle assiste réellement en esprit à toute la Passion du Sauveur et partage toutes ses souffrances. Je voudrais pouvoir transcrire ici l’admirable tableau que trace de cette scène de douceur le docteur Goerres, l’illustre auteur de la Mystique chrétienne, qui en fut témoin ; mais je craindrais de trop allonger mon récit, et je renvoie le lecteur à ce célèbre ouvrage[1].

  1. Ou au livre dont je parle plus loin, de M. Borée, Sur les Stigmates