par une vision extérieure et divine, et enchaîné en quelque sorte dans l’immobilité de la contemplation. Je la voyais sensiblement prier, adorer, aimer, et cette vision du ciel se reflétait si vivement en elle, qu’en la regardant je croyais presque y participer. Elle semblait tout entière attirée en haut, et l’on eût dit que son corps ne tenait pas à la terre. Je l’aurais vue, comme mille témoins oculaires l’ont attesté, s’élever tout à fait ou ne plus toucher à son lit que par la pointe des pieds, que je n’aurais pas été plus ému. Mes yeux allaient sans cesse de sa figure céleste aux stigmates de ses mains, et elle m’apparaissait comme déjà transfigurée, avec ce corps spiritualisé que saint Paul nous promet après la résurrection.
Quand nous l’eûmes contemplée a loisir pendant près d’un quart d’heure, le père Capistran lui dit à demi voix « Maria ! » Aussitôt sa physionomie changea, l’extase disparut, et elle se trouva avec une rapidité merveilleuse à moitié étendue dans son lit. Elle nous regarda et nous sourit avec une bonté et une grâce angéliques ; quoiqu’elle fût revenue sur la terre, elle semblait avoir conservé quelque chose du ciel, et jamais je ne vis de physionomie plus pure, plus candide, plus pénétrée, si je puis ainsi parler, de sérénité et de paix. Elle nous souhaita la bienvenue par des signes affectueux, car elle ne parle jamais ; nous donna de petites images qui se rapportaient admirablement à la vocation de chacun de nous, quoiqu’elle ne nous connût d’aucune façon, nous promit de prier pour nous et les nôtres ; puis tout à coup son visage s’altéra, ses yeux se fixèrent, ses mains se joignirent et s’élevèrent comme si elles étaient attirées en haut par une force irrésistible, et elle retomba en extase. C’est en effet son état naturel ; la vie ordinaire est pour elle un effort et une exception ; elle retourne à ses contemplations divines comme un jeune arbre courbé