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cieux arceaux de verdure que forment les vignes entrelacées aux arbres de la route ; leurs pampres courent de l’un à l’autre et les réunissent par de vertes et mobiles guirlandes. À ces vignes pendent d’énormes grappes d’un raisin parfumé dont le goût est exquis. Dans un petit village où nous nous arrêtâmes dans la matinée avant d’arriver à Mérano, on nous servit une des grappes tellement volumineuse, que ses beaux grains d’un violet foncé débordaient de tous côtés du plat sur lequel elle était posée, et qu’à trois nous ne pûmes, malgré un grand appétit et beaucoup de bonne volonté, la manger tout entière. Cette grappe nous rappela et nous fit comprendre le raisin de Chanaan.

Ce soir-là, nous allâmes coucher à Botzeno, qui est au delà de la vallée de Mérano, et le lendemain matin nous partîmes pour Kaltern, où se trouve une des deux vierges stigmatisées. Nous y arrivâmes un peu avant midi c’était le samedi 29 août 1846. Malgré tous nos efforts et tous nos désirs, nous n’avions pu y arriver le vendredi.

Nous avions une lettre de recommandation de monseigneur l’archevêque de Paris pour le curé de Kaltern ; on nous avait dit en effet que, pour éviter l’affluence importune des visiteurs qui accouraient auprès d’elle de tous les points de l’Allemagne et de l’Italie, Marie de Mœrl (Maria von Mœrl), l’extatique de Kaltern, avait obtenu d’être transférée dans un couvent de dames du tiers-ordre de Saint-François, situé dans la ville, et qu’il fallait une autorisation expresse de l’autorité diocésaine pour pénétrer jusqu’à elle. Nous allâmes immédiatement chez le curé, auquel nous montrâmes la lettre de l’archevêque de Paris : la signature de cette lettre parut lui faire une grande impression ; il nous dit qu’elle pouvait certainement nous tenir lieu d’une permission de l’évêque de Trente et nous indiqua le chemin du couvent.