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tribunal de la pénitence il pleurait plus abondamment en écoutant les fautes des pécheurs que les pécheurs eux-mêmes en les lui racontant ! avec quelle tendre allégresse il mêla ses larmes à celles de sainte Monique et bénit cette mère incomparable qui, après vingt ans de combats, avait enfin reconquis son fils ! Désormais la sainte femme avait accompli sa mission sur la terre. Son fils était chrétien ; le pêcheur Augustin n’était plus, et déjà saint Augustin avait commencé ! Elle pouvait lui dire dans l’effusion de sa tendresse et de sa foi « Mon fils, en ce qui me regarde, rien ne m’attache plus cette vie. Qu’y ferai-je ? Pourquoi y suis-je encore ? J’ai consommé dans le siècle toute mon espérance. Il était une seule chose pour laquelle je désirais séjourner quelque peu dans cette vie, c’était de te voir chrétien catholique avant de mourir. Mon Dieu me l’a donnée avec surabondance, puisque je te vois mépriser toute félicité terrestre pour le servir que fais-je encore ici ? »

Elle mourut, en effet, peu de temps après à Ostie en retournant de Milan à Carthage. Toujours forte, toujours sainte et sublime jusque sa dernière heure, elle disait à ceux qui la plaignaient de mourir en pays étranger, loin de sa ville natale : « Rien n’est loin de Dieu, et il n’est pas à craindre qu’à la fin des siècles il ne reconnaisse pas la place où il doit me ressusciter. » Au moment d’expirer, elle dit encore à ses fils : « Laissez ce corps partout et que tel souci ne vous trouble pas. Ce que je vous demande seulement, c’est de vous souvenir de moi à l’autel du Seigneur partout où vous serez. »

C’est ainsi qu’elle s’endormit dans les bras de son Augustin et dans la paix de son Dieu, modèle accompli de l’épouse, de la mère, de la femme chrétienne. Et maintenant que j’ai raconté les grands souvenirs qui se rattachent à vous, il faut que je vous dise adieu, église