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Leur regard profond semble percer le voile de la création et contempler par delà l’espace et le temps les mystères de l’éternité. Il y a plus de méditation dans l’expression de saint Augustin, plus d’extase dans celle de sainte Monique on y sent l’approche de la délivrance, mais on y sent aussi que, malgré ces nuances, leurs deux âmes sont également pleines de Dieu, et qu’elles sont unies et confondues dans la même pensée, dans la même foi, dans la sainteté du même amour.

Tels étaient Augustin et Monique alors qu’ils s’éloignaient de Milan, lui pour retourner en Afrique, elle pour retourner au ciel. Mais qu’ils étaient bien différents quand ils arrivèrent dans la ville de saint Ambroise, et quand, pour la première fois, ils entrèrent dans sa basilique ! Monique était déjà sainte Monique ; mais elle était encore dans la douleur de ce long enfantement de son Augustin à la grâce, enfantement qui se prolongea près de vingt ans dans la prière et dans les larmes. Lui, infidèle, incrédule, impudique, ne cherchait que la gloire humaine, les plaisirs des sens et les applaudissements des écoles. Quand il entra dans l’église d’Ambroise et qu’il vint s’asseoir au pied de sa chaire, il était attiré, non par le désir d’entendre parler de Dieu, mais par le charme de l’éloquence du saint évêque. C’était l’homme qu’il cherchait au lieu de l’homme, il trouva le saint, et par delà le saint il trouva Jésus-Christ. À son insu et comme malgré lui, les discours d’Ambroise l’émurent, ébranlèrent son incrédulité, détruisirent peu à peu ses erreurs et ses préjugés, et, quand il sortit de cette église où la grâce de Dieu était venue au devant de lui, l’enfant ingrat qui ne voulait pas aller au-devant d’elle, si son cœur n’était pas encore converti, son esprit était déjà convaincu ; la vérité lui était apparue, elle le poursuivait, elle était prête à le saisir, et quand, dans ce jardin des derniers combats,