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par le seul attouchement des vêtements qui recouvraient les martyrs : on jetait des habits et des linges sur leurs corps sacrés, et on les gardait précieusement comme des remèdes contre les maladies à venir. Saint Ambroise atteste lui-même tous ces faits dans les sermons qu’il adressa au peuple, et dans la lettre qu’il écrivit il sainte Marcelline, sa sœur, à cette occasion.

Ces événements miraculeux eurent un immense retentissement dans tout le monde chrétien, et voici comment les raconte à son tour, après saint Ambroise et Paulin, un témoin oculaire, témoin illustre s’il en fût jamais, dans un des plus beaux livres sortis du cœur et de l’esprit humain

« Justine, mère de l’empereur Valentinien, séduite par l’hérésie des Ariens, persécutait votre Ambroise. Le peuple fidèle passait les nuits dans l’Église, prêt à mourir avec son évêque, votre serviteur ; et ma mère, votre servante, voulant des premières sa part d’angoisses et de veilles, n’y vivait que d’oraisons… Alors, pour préserver le peuple des ennuis de sa tristesse, il fut décidé que l’on chanterait des hymnes et des psaumes, selon l’usage de l’Église d’Orient, depuis ce jour continué parmi nous, et imité dans presque toutes les parties de votre grand bercail.

« C’est alors que vous révélâtes en songe à votre évoque le lieu qui recélait les corps des martyrs Gervais et Protais. Vous les aviez conservés tant d’années à l’abri de la corruption, dans le trésor de votre secret, sachant le moment de les produire pour mettre un frein à la fureur d’une simple femme, mais d’une femme impératrice. Retrouvés et exhumés, on les transfère solennellement à la basilique épiscopale, et les possédés sont délivrés des esprits immondes, de l’aveu même de ces démons ; et un citoyen très connu, aveugle depuis plusieurs années,