Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/225

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lieu de votre peuple, rendez le calme à la ville d’Antioche ; elle ne sera rassurée, après une si violente tempête, qu’en revoyant son pilote. » C’était ce même Théodose qui venait de jeter la terreur dans l’empire et la consternation dans l’Église par le massacre de Thessalonique. Indigné d’une sédition dont le motif était infâme et qui avait coûté la vie aux magistrats et au gouverneur de la ville, il avait résolu et prononcé l’arrêt de mort de la population tout entière, et tous les habitants de cette malheureuse cité, hommes, femmes et enfants, au nombre de sept mille, avaient été égorgés jusqu’au dernier.

À cette nouvelle, la douleur de saint Ambroise avait été sans bornes, il avait interdit à Théodose l’entrée du temple divin, et, comme Théodose insistait, en rappelant l’exemple de David, auquel Dieu avait pardonné sa faute, le saint évêque lui avait répondu : « Vous l’avez imité dans son crime, imitez-le dans sa pénitence. »

Exemple admirable de sainte audace de la part du pontife, de sainte soumission de la part du souverain  ! Le maître du monde, le successeur de ces fous couronnés qui se faisaient adorer comme des dieux, et dont les infâmes caprices couvraient la terre d’incendies, de sang et de supplices, l’empereur romain, pour tout dire en un mot, recula devant la parole désarmée du prêtre de Jésus-Christ. Il s’inclina sous l’arrêt du pontife, s’abstint pendant huit mois d’approcher de l’église, et passa tout ce temps dans la pénitence et les larmes.

Quand la fête de Noël approcha, son affliction et ses pleurs redoublèrent. Enfin, le plus familier de ses courtisans, lui en ayant demandé la cause, l’empereur lui dit :

« Je pleure quand je considère que le temple de Dieu est ouvert aux esclaves et aux mendiants, tandis qu’il