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relâchement s’était introduit. Enfin, pour prévenir le retour des abus qu’il avait réformés, ce grand homme fonda le premier dans son diocèse des écoles pour former les jeunes gens au sacerdoce, et, réalisant le vœu du concile de Trente, il institua la grande œuvre des séminaires, institution admirable, base nécessaire de l’édifice catholique, sur laquelle repose désormais le salut du clergé et par conséquent de l’Église, et qui, du diocèse de Milan, se répandit avec rapidité dans tout le monde chrétien.

Au milieu de tous ces travaux et des soins d’un immense diocèse, saint Charles donnait à la prière et à la méditation la plus grande part de sa vie. Il faisait six heures d’oraison chaque jour, souvent huit, et passait presque toutes ses nuits en prières. Ses austérités devenaient plus rigoureuses à mesure qu’il approchait du terme de son voyage ici-bas, et cet archevêque, ce prince de l’Église, vivait comme saint Antoine au désert. Il ne mangeait que du pain et ne buvait que de l’eau ; il dormait trois ou quatre heures chaque nuit, étendu sur des planches que recouvrait un morceau de toile.

Les derniers jours de sa vie furent admirables ; jamais on ne vit plus d’énergie et de vertu, plus de mépris de soi-même et d’amour de Dieu. Les bords du lac Majeur, où nous nous trouvions, en furent les heureux témoins. Il était venu, selon sa coutume de tous les ans, faire une retraite dans une maison religieuse appelée le Mont-Varelle, située sur le bord du lac. Averti sans doute de sa fin prochaine, il passa les jours de cette retraite dans un recueillement plus profond encore que de coutume. Le cinquième jour, cet homme angélique qui, dès son enfance, avait toujours été fidèle à Dieu et avait conservé l’innocence baptismale, fit sa confession générale avec un cœur brisé de douleur et un tel torrent de larmes, que son confesseur lui-même ne put s’empêcher de pleurer. Il s’y