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mesure qu’on approche, on distingue des terrasses, des bois d’orangers, de lauriers et d’arbres les plus rares, qui poussent en plein vent, et qui de tous les points du monde semblent s’être donné rendez-vous dans ce séjour enchanté.

En abordant, nous nous trouvâmes au milieu d’aloès de palmiers, de cèdres du Liban, de vieux pins d’Écosse d’une hauteur prodigieuse, de lauriers blancs et roses, et de mille autres arbres de la Chine, du Japon, de l’Amérique, tous plantés sans ordre, presque au hasard, comme les arbres les plus communs dans un jardin anglais. Sur le gazon frais et uni des pelouses, des faisans se jouaient et ne songeaient pas à profiter de la liberté qui leur était laissée pour fuir une si ravissante prison.

L’Isola-Bella, voisine de l’Isola-Madre, a la réputation, comme son nom l’indique, d’être plus belle encore que sa sœur, mais d’une beauté qui a moins de charme à mes yeux parce qu’elle est moins naturelle ; l’art s’y fait partout sentir : il est vrai que c’est un art merveilleux. On y admire, outre un fort beau palais, des terrasses étagées et comme suspendues sur les eaux du lac, des grottes artificielles où croissent les palmiers, où le lierre et la vigne s’entrelacent et pendent en longues guirlandes de verdure. Nous remarquâmes surtout trois bois ravissants, l’un d’orangers en pleine terre, un autre de magnolias aux larges fleurs blanches et d’un parfum pénétrant, et le troisième de lauriers séculaires, dont quelques-uns ont plus de cinquante pieds d’élévation. Avant de quitter ces îles vraiment enchantées qui nous rappelaient les jardins d’Armide de la Jérusalem délivrée et ces contes orientaux des Mille et une Nuits, nous y cueillîmes quelques fleurs que nous emportâmes comme un souvenir. Le parfum de ces fleurs est tout