sapins dont les uns, brisés par l’avalanche, maintiennent encore des quartiers de roc, tandis que d’autres semblent retenir les nuages suspendus à leurs branches, comme dans une plaine on voit les buissons tout chargés de la laine que les brebis ont laissée en passant. Toutes ces horreurs sont entremêlées, de place en place, de verdoyantes collines, de gazons frais et veloutés, et de chalets audacieusement fixés au flanc de la montagne à des hauteurs effrayantes.
Des croix de bois indiquent par moments la place où des voyageurs périrent victimes de leur imprudence ou d’événements supérieurs aux prévisions humaines. Les guides les montrent avec soin à ceux qu’ils conduisent, leçon muette de prudence plus éloquente que tous les discours.
Une de ces croix rappelle un malheur particulièrement touchant. Une pauvre femme et son enfant, qu’elle tenait dans ses bras, étaient sur le bord du précipice, attendant de la charité des passants et de la bonté de Dieu le pain de la journée : Dieu leur donna ce jour-là mieux que le pain quotidien. Une avalanche de rochers fondit du haut de la montagne et roula jusqu’au fond de l’abîme, entraînant avec elle la mendiante et son enfant. Bienheureux de mourir en même temps, car ils étaient l’un à l’autre tout leur amour en ce monde ! La mort ne les sépara point : ensemble ils remontèrent consolés vers le ciel ; car Dieu ne doit point demander un compte bien sévère à une mère qui voit pleurer, souffrir et mourir son fils, et la sainte vierge Marie, la Mère de douleur, dut intercéder pour elle et lui ouvrir le ciel, par sa toute-puissante prière.
À partir du point culminant de la route que je viens de décrire, la vallée s’élargit insensiblement, la poitrine se