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ayant manifesté l’intention d’avoir la messe dans son hôtel, le conseil d’État de Genève, épouvanté, fit tout au monde pour s’y opposer et consigna son désespoir dans plusieurs délibérations, entre autres dans celle du 25 janvier 1681, où il est dit : « Si l’établissement d’un résident de France dans cette ville est un témoignage de la protection de Sa Majesté et une marque de l’honneur dont elle favorise les États souverains, il n’est pas douteux que l’introduction si surprenante de la religion romaine dans son hôtel a causé parmi nous une grande frayeur et consternation[1].

Incroyable renversement du sens humain ! Ce sont les enfants et les chevaliers du libre examen, les ennemis de la servitude catholique qui tiennent ce langage aussi puéril, aussi ridicule qu’odieux ! C’est pour en venir là que Genève et des nations entières ont déserté l’Église romaine, la mère antique et vénérée de tous les fidèles ! Ils ont rejeté comme trop dur le joug du vicaire de Jésus-Christ, du pacifique successeur de saint Pierre, et ils ont accepté la chaîne de fer de je ne sais quel pape apocryphe, sans mission, sans autorité, sans passé, et, grâce à Dieu, désormais sans long avenir !

Et cependant, par quelles mains pures et célestes Dieu ne présenta-t-il pas à cette infidèle Genève sa vérité méconnue ! Peu d’années après la mort de Calvin, il lui donna pour évêque saint François de Sales, le plus doux et le plus aimable des saints, le plus savant des docteurs, le plus humble des hommes, le plus charitable des apôtres, l’image la plus frappante peut-être qui ait paru dans l’Église de la personne adorable du Sauveur,

  1. Note de l’auteur. — Ces derniers faits sont tirés d’un ouvrage fort curieux, récemment publié à Genève sous ce titre : Fragments biographiques et historiques, extraits des registres du conseil d’État de la république de Genève, de 1535 à 1792.