culte que la haine de Rome et de l’Église, où ceux qui refusaient avec un sourire de mépris d’aller vénérer à Rome les tombeaux des saints apôtres Pierre et Paul accouraient en pèlerinage au tombeau de Calvin ! C’est là, dans cette ville de Genève, où la Réforme domina longtemps sans rivale et sans obstacles (les lois et le feu y mettaient bon ordre), qu’on peut la juger avec toutes ses inconséquences, et c’est là que, l’histoire à la main, on peut mesurer le prodigieux aveuglement de ces hommes qui, après les premières promesses et les honteuses déceptions de la Réforme, après le despotisme sanglant de Calvin, les violences et les ignominies de Luther, ont préféré le joug de plomb d’une doctrine humaine au frein d’or pur de l’autorité divine, et déserté la fontaine limpide et intarissable de la vérité pour l’eau trouble et malsaine de l’erreur.
La Réforme, en effet, a eu deux buts : elle a prétendu corriger les abus que le temps avait introduits dans l’Église, protester contre le relâchement des mœurs du clergé, et en même temps émanciper l’esprit humain : elle a fait son entrée dans le monde au nom de la morale et de la liberté.
Or, à quoi a-t-elle abouti immédiatement ? Pour la morale, la réponse est partout, mais surtout dans la vie de Luther ; pour la liberté, elle est partout aussi, mais surtout à Genève, dans la personne de Calvin.
Sur le premier point, je laisse parler l’illustre Père Lacordaire :
« Au seizième siècle, dans un coin de la Saxe, dit-il dans une de ses plus admirables conférences, il se trouva un homme qui eut la pensée de nous réformer, et certes, il en avait le droit plus qu’homme de son temps, car il avait reçu de Dieu une éloquence qui jaillissait de ses lèvres ou qui tombait de sa plume avec une égale fécon-