Page:Ségur - Témoignages et souvenirs.djvu/176

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

larmes et la tendresse d’une fille de nouveaux devoirs et les seules joies qu’elle pût encore demander à la terre. Désormais sa tâche envers son fils était accomplie : après avoir assuré le salut de son âme, elle venait de rendre à son corps les derniers honneurs. Grâce à son amour infatigable, les corps du fils et du père reposaient en paix sous la garde de Dieu, à côté l’un de l’autre, de même que, grâce à son sacrifice, leurs âmes étaient unies là-haut au sein de l’éternelle félicité.

J’ai déjà parlé des regrets universels que la mort d’Hélion de Villeneuve avait causés dans l’armée d’Orient. Ces regrets ne furent pas moins unanimes en France, où il avait laissé tant d’amis dévoués. Plusieurs même sentirent, à la douleur profonde que leur causa sa mort, qu’ils l’aimaient plus encore qu’ils ne l’avaient pensé, et qu’il s’était fait dans leur cœur une de ces places dont le vide ne se comble jamais.

Chacun se redisait avec attendrissement sa bonté, ses qualités charmantes, la gaieté de son esprit, la tendresse de son cœur, les mille circonstances où il avait révélé l’énergique beauté de son âme. On se rappelait surtout qu’il avait pratiqué toujours, et au plus haut degré, cette vertu si rare de l’indulgence et de la bienveillance envers tout le monde, qui est la plus douce fleur de la charité chrétienne ; que jamais il n’avait ouvert la bouche pour médire, et que, lorsqu’on médisait devant lui, il témoignait par son attitude gênée ou par son silence, qu’il souffrait et qu’il désapprouvait. Dans le monde si égoïste, si oublieux et si vain, sa mort laissa bien des regrets, et peut-être aussi quelques remords.

Entre tous les témoignages d’affection et de regrets qui le suivirent dans la tombe, je n’en citerai qu’un seul, qui fut particulièrement sensible au cœur de sa mère. L’État-major de la garde nationale de Paris, auquel il avait