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quels la vie est si digne de mémoire et d’estime vivent encore après le trépas, puisqu’on a tant de plaisir à les ramentevoir et représenter aux esprits de ceux qui demeurent.

« Ce fils, ma très chère mère, avoit déjà fait un grand esloignement de nous, s’estant volontairement privé de l’air du monde auquel il estoit nay pour aller servir Dieu et son roy et sa patrie en un autre nouveau monde. Sa générosité l’avoit animé à cela, et la vostre vous avoit fait condescendre à une si honorable résolution, pour laquelle vous aviez renoncé au contentement de le revoir jamais en cette vie, et ne vous restoit que l’espérance d’avoir de temps en temps de ses lettres. Et voilà, ma très chère mère, que, sous le bon plaisir de la Providence divine, il est party de cet autre monde pour aller en celuy qui est le plus ancien et le plus désirable de tous, et auquel il nous faut tous aller, chacun en sa saison, et où vous le verrez plus tôt que vous n’eussiez faict s’il fust demeuré en ce monde nouveau parmy les travaux des conquestes qu’il prétendoit faire à son roy et l’Église.

« En somme, il a fini ses jours mortels en son devoir et dans l’obligation de son serment. Ceste sorte de fin est excellente, et ne faut pas douter que le grand Dieu ne la luy ait rendue heureuse, selon que dès le berceau il l’avoit continuellement favorisé de sa grâce pour le faire vivre chrestiennement. Consolez-vous donc, ma très chère mère, et soulagez vostre esprit, adorant la divine Providence, qui faict toutes choses très suavement et, bien que les motifs de ses décrets nous soient cachés, si est-ce que la vérité de sa débonnaireté nous est manifeste, et nous oblige à croire qu’elle faict toutes choses en parfaicte bonté.

« Vous estes quasi sur le départ pour aller où est cest