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nés du sang de la croix, sont les imitateurs de Jésus-Christ, parce qu’ils doivent, comme leur divin Maître, passer par les souffrances et la passion pour arriver à la gloire, et parce que cette gloire qui les attend au ciel est proportionnée, pour chacun, à la grandeur même du sacrifice. Voilà pourquoi Hélion de Villeneuve a tant souffert ; c’était pour mériter la place toute privilégiée qui lui était réservée de toute éternité dans la « demeure de son Père. »

Avant de terminer ces réflexions et pour les confirmer par une autorité que personne ne récusera, je ne puis résister au désir de citer une lettre de saint François de Sales, qui se rapporte admirablement à la circonstance, et qui semble écrite au sujet de la mort d’Hélion de Villeneuve, tant elle renferme de traits frappants qui s’appliquent à lui. Cette lettre fut écrite par ce grand saint, par ce doux et céleste écrivain, par cet admirable consolateur, à une dame, sa mère d’alliance, comme il est dit dans le naïf langage du temps, à l’occasion de la mort d’un fils qu’elle avait perdu dans les Indes. Au lieu des Indes qu’on lise la Crimée, et l’on aura l’histoire d’Hélion de Villeneuve et de sa mère.

« Oh ! que mon âme est en peine de votre cœur, ma très chère mère ! car je le vois, ce me semble, ce pauvre cœur maternel, tout couvert d’un ennui excessif, ennui toutefois que l’on ne peut ny blasmer ny treuver estrange, si on considère combien estoit aimable ce fils, duquel ce second esloignement de nous est le subject de nostre amertume. Ma très chère mère, il est vray, ce cher fils estoit l’un des plus désirables qui fût oncques ; tous ceux qui le cognurent le recognurent et le recognoissent ainsi. Mais n’est-ce pas une grande partie de la consolation que nous devons prendre maintenant, ma très chère mère ? Car, en vérité, il me semble que ceux des-