de terre. Le fond des comestibles ici est le haricot ; souvent il y a du riz, et, comme les camarades ne l’aiment pas, je m’en donne à mon aise. Je me porte mieux que jamais, et si tu me voyais à présent, tu ne me reconnaîtrais pas ! seulement je ne pourrai plus coucher dans un lit ; je suis sûr qu’à mon retour je serai forcé de coucher par terre à côté de Pampan. J’ai fait connaissance avec un nouvel animal : c’est un honnête chameau que l’on a pris aux Russes, et qui se promène toute la journée au camp ; il est très débonnaire. Le revers de la médaille, c’est que l’on ne se bat pas, et qu’il n’y a aucune raison pour que cela arrive. Enfin, ce n’est pas ma faute et j’en prends mon parti.
— « Je ne sais pas ce que l’on fait au siège ; dans notre petit coin, nous sommes le calme même. À neuf heures, tout le monde ronfle ; mais aussi, à quatre heures du matin, tout le monde a déjeuné. Je pense que tu ne me reprocheras plus de me lever tard, ni de lire le soir dans mon lit…
« … Mon plus grand bonheur est de relire tes lettres : je les ai toujours sur moi, et de temps en temps je vais un peu à l’écart, et là, je les relis tranquillement… Nous continuons à avoir un temps superbe ; l’air est excellent, trop vif même, car il creuse l’estomac : il n’y a pas de malades dans notre camp. Tu sais que lord Raglan est mort : je n’ai pas entendu nommer son successeur… »
Je transcris un peu longuement, peut-être, cette correspondance, parce que, outre l’aimable gaieté qu’elle respire, elle fait connaître quelle a été la vie de chaque jour d’une partie de nos braves soldats pendant la durée de cette immortelle campagne de Crimée.
Le 6 juillet, Hélion de Villeneuve écrit, toujours avec la même gaieté confiante :
« … J’ai eu ce matin ta bonne lettre du 22, et je ne puis trop te remercier de ton exactitude. Ne sois pas triste,