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dire les corvées de toute espèce, la cuisine, le pansage, mener boire les chevaux, etc. mais pas le plus petit combat ! Deux fois on nous a fait prendre les armes et nous avons été faire des reconnaissances dans les environs ; mais ces promenades sont absolument comme celles que nous faisions à Paris ; toutes les troupes campées de ce côté en sont au même point.

« À part cela, je suis très bien ; le pays est superbe des montagnes, de l’eau et des bois. Le soleil est bien un peu chaud, mais je m’y habitue : il n’y a que mon nez qui est devenu de la couleur de mon pantalon ; ce que je te disais des bois se rapporte aux environs ; nous sommes campés dans une grande plaine où il n’y a pas un pouce d’ombre. Tout le monde est excellent pour moi, et l’on m’invite très souvent à dîner, j’avoue que c’est la politesse à laquelle je suis le plus sensible : la cuisine que font les soldats est assez médiocre, il faut le reconnaître, et cette vie, entièrement au grand air, donne un appétit féroce… Seulement il est certain que je n’ai aucune chance d’avancement : personne n’y peut rien ; on me témoigne la plus grande affection, je suis ici comme j’étais aux guides, mais il n’y a pas de place…

« Voici la vie que l’on mène ici. On s’éveille vers trois heures et on se lève, ce qui est fort simple, on n’a qu’à se mettre debout. À quatre heures, on mène les chevaux boire ; après on les panse puis on prend du café : ensuite on se chauffe au soleil jusqu’à trois heures de l’après-midi : on fait de nouveau boire les chevaux, puis on dîne, et à la nuit chacun se couche. C’est comme cela tous les jours, et l’on ne sait rien de ce qui se passe à Sébastopol : c’est l’autre jour seulement que nous avons su qu’on avait tenté une attaque malheureuse !… »

— « Je voulais attendre ta lettre pour t’écrire, ma bonne mère, écrivait-il encore le 29 juin, mais on ne