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n’est pas commode. L’endroit où nous sommes est charmant : cette partie de la Crimée est un peu boisée et très pittoresque ; nous sommes au bord de la Tchernaïa, où j’ai lavé mon linge hier.

« Ce matin, à trois heures, toute la cavalerie est venue se placer près de nous : c’est un beau spectacle que celui-là, et qui seul vaudrait le voyage. Il y a deux régiments de hussards, deux de dragons, deux de cuirassiers et toute l’armée piémontaise. Le temps est magnifique, et tout est d’une propreté à laquelle j’étais loin de m’attendre. Tout le monde va bien, et l’on est si tranquille, que j’ai peine à me figurer que je sois à une vraie guerre : il me semble que c’est un camp de manœuvres. Il paraît qu’on a bien souffert cet hiver, mais à présent c’est une vraie partie de plaisir.

« Quand nous sommes arrivés, nous avons dû coucher à bord, on ne débarque pas le soir, et nous avons vu toute la nuit des bombes et des obus que l’on tirait c’était bien beau !

« … J’ai déjà fait connaissance avec l’aumônier de la marine : il a connu *** à l’Œuvre des soldats ; sois donc tranquille… »

Le 22 juin, il écrivait :

« Que tes lettres m’ont rendu heureux, mon excellente mère ! Je t’en remercie de tout mon cœur ; la distance et la vie que je mène me les rendent bien plus précieuses encore : aussi, écris-moi par chaque courrier… Quant à m’envoyer des provisions, ce serait bien inutile : je ne saurais littéralement où les mettre et puis, il faudrait nourrir les braves camarades avec lesquels je vis, et ils sont nombreux.

« Voilà huit jours que je suis ici et cette existence fort singulière ne me déplaît pas. Seulement on n’a rien à faire que les choses ennuyeuses du métier, c’est-à-