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pour la vérité, et les fils de la vérité doivent s’armer contre elle, et la dominer à tout prix ils doivent, sinon la détruire, au moins la réduire au silence et à l’impuissance de persécuter.

C’était donc une guerre religieuse et catholique au premier chef que la guerre d’Orient ; c’était la défense de l’Église contre le schisme russe, de la papauté véritable contre cette papauté des czars, plus odieuse encore qu’elle n’est ridicule en un mot, c’était Rome que nous courions défendre à Constantinople, et, par un merveilleux dessein de la divine Providence, en tirant l’épée contre la Russie pour maintenir l’existence de l’empire ottoman, nous ne faisions, en réalité, que poursuivre la grande œuvre des croisades ! Il appartenait à la France catholique, à la fille aînée et bien-aimée de l’Église, de se mettre à la tête de cette grande et sainte entreprise et d’entraîner l’Europe à sa suite dans cette croisade du dix-neuvième siècle, comme elle l’avait entraînée jadis à la délivrance de la Terre sainte. Ainsi, chose étrange et admirable ! l’Angleterre protestante et la Turquie allaient combattre, avec la France et sous ses ordres, pour l’affranchissement et la liberté de la foi catholique, et Dieu se servait de l’hérésie et de l’islamisme lui-même pour écarter de son Église le plus grand danger qui pût la menacer dans les temps modernes tant il est vrai qu’aujourd’hui, comme toujours, l’homme s’agite et Dieu le mène.

L’âme française et catholique d’Hélion de Villeneuve comprit tout de suite le caractère sacré de la guerre qui commençait. Digne fils des croisés, fier de compter parmi ses ancêtres un des grands maîtres de cet ordre de Malte qui porta si longtemps et si fièrement le drapeau de l’Église et celui de la patrie, il tressaillit à l’annonce de cette lutte où son pays et sa foi étaient également