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doivent s’appeler et se tenir comme les vertus, qu’on ne peut céder à une passion sans céder à toutes, et que, par cela seul qu’on a eu la faiblesse d’offenser Dieu en quelque chose, on est obligé de ne le respecter en rien comme si l’abandon d’un devoir devait avoir pour conséquence l’abandon de tous les devoirs, et comme si, parce qu’on est faible, on était contraint de devenir impie !

Avec cette prétendue logique trop commune en France, à la première faiblesse, à la première faute, on abandonne tout : prière, église, habitudes chrétiennes de tout genre ; on se croirait inconséquent en respectant dans ses paroles et dans ses actes un Dieu qu’on offense, non par haine, mais par faiblesse humaine : on ne le respecte donc plus ! Parce qu’on a violé un commandement, on les viole tous, ou peu s’en faut. À ce métier, la foi s’affaiblit et meurt vite, la vie chrétienne se retire tout à fait, et la voie du repentir et du retour se ferme quelquefois pour jamais.

Hélion de Villeneuve ne fut pas logique de cette façon-là, grâce à Dieu. Il connaissait trop bien la bonté et la miséricorde infinie du Sauveur ! Il savait que l’Évangile est plein de douceur et d’indulgence pour la faiblesse humaine, et que Dieu pardonne tout à l’humble repentir. Il savait que Madeleine, la grande pécheresse, s’était relevée purifiée et sainte après avoir pleuré aux pieds du Seigneur, et que le pauvre Publicain s’était retiré pardonné du temple pour avoir humblement confessé ses misères ; tandis que le Pharisien avait remporté avec lui le lourd fardeau de ses vices austères et de ses orgueilleuses vertus. Il savait, en un mot, que Dieu préfère à une vertu superbe et enflée d’elle-même mille fautes avouées dont on s’humilie et dont on se repent. Il n’eut donc pas la précaution d’ériger sa faiblesse en principe,