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l’aima jamais et n’y demeura qu’en passant : sa foi, son élévation native, étaient trop grandes pour qu’elle s’y attachât un seul jour d’une affection durable.

La faiblesse d’Hélion de Villeneuve fut si passagère, elle resta tellement à la surface de son cœur et de sa vie, si je puis m’exprimer ainsi, et elle fut effacée par tant de vertus charmantes et par une si sublime expiation, que j’ai hésité à la mentionner, même en passant, dans cette histoire. Je l’ai fait néanmoins, après y avoir longtemps réfléchi, d’abord par respect pour la vérité, puisque ce récit est une histoire, et non pas un éloge, ensuite à cause des enseignements utiles qu’on peut en tirer.

Premièrement, en effet, elle prouve une fois de plus, après tant de lamentables exemples, le danger des mœurs trop faciles et l’abus des plaisirs permis. On ne peut user sans péril du monde et de ses joies qu’à la condition d’en user modérément car l’air qu’on y respire est mauvais et agit d’une manière funeste sur tous ceux qui y séjournent trop longtemps sans nécessité. Insensiblement il modifie les points de vue, l’aspect des choses, la façon dont on envisage la vie ; il dissipe l’esprit, il atteint même le cœur, et quand, par la grâce de Dieu, on revient à soi, après un de ces fatals moments d’enivrement et d’oubli, on se trouve avec terreur bien loin du point de départ, hélas ! et bien au-dessous.

Mais la faiblesse passagère d’Hélion de Villeneuve renferme un autre enseignement bien plus rare et non moins important. Il a, en effet, montré par son exemple comment un chrétien peut se relever quand, par malheur, il a failli. Pour une foule de jeunes gens, une première faute semble un engagement irrévocable conclu avec le mal. Par je ne sais quel sentiment faux qu’on appelle de la logique, et que j’appelle de la folie, on s’imagine que les fautes