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appris indirectement l’inquiétude de sa mère, et craignant que sa santé n’en fût compromise, eut l’abnégation vraiment admirable de lui proposer de quitter cette vie de Paris qu’il aimait tant, d’abandonner un poste plein d’attrait pour lui, puisqu’il était plein de dangers, et de lui sacrifier ainsi, sinon son devoir, du moins le plus cher de ses goûts, Je ne puis résister au désir de citer presque en entier la lettre qu’il écrivit à sa mère à cette occasion : elle respire à la fois une grandeur d’âme et une tendresse filiale qui font venir les larmes aux yeux.

« … Je ne m’inquiète pas de l’avenir ; il est entre les mains de Dieu, il en fera ce qu’il voudra, et ce qu’il voudra sera toujours bien si de notre côté nous faisons toujours notre devoir. La vie n’est qu’un temps bien court, il s’agit de bien l’employer, et dans toutes les positions, si l’on fait ce qu’on doit, on peut être heureux en ayant confiance en Dieu… Le curé de *** me connaît bien, puisqu’il t’a dit juste ce que je t’ai dit moi-même, que je serai toujours prêt à faire ce que vous voudrez, même en sacrifiant mes convictions. Je suis bien sûr d’ailleurs que tu ne voudrais jamais me faire faire de lâcheté ; tu m’aimes trop bien pour ne pas savoir qu’à mon sentiment il n’y a plus de bonheur possible quand on a fait une vilenie… Cependant, si ta tendresse t’empêchait de voir les choses tout à fait juste, je t’assure que j’aimerais mieux ne pas t’affliger. Mon plus grand désir est que tu sois heureuse, et je ferai toujours ce que je pourrai pour cela. »

Ses parents, dignes d’un tel fils, répondirent par un sacrifice à celui qu’il leur offrait de faire pour eux, et lui écrivirent en l’engageant à rester à Paris. Cette décision le remplit de reconnaissance et de joie.

« Ainsi donc, leur répondit-il, ma bonne mère, tu me laisses achever mon droit à Paris. Puisque tu me dis que