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nis, l’amour des époux et das épouses, des enfants et des pères, et cet amour fraternel de tous les hommes entre eux, cette admirable vertu de la charité chrétienne qui embrasse tous les genres d’affection, et en dehors de laquelle il n’y a point d’affection sûre d’elle-même ni des autres. Or, ce que la foi chrétienne a fait il y a dix-huit cents ans, elle le fait encore aujourd’hui ; elle est la mère et la sœur de la charité ; elle lui est unie dans l’Église de Jésus-Christ, comme dans le soleil la chaleur est unie à la lumière. Aussi rien n’est plus tendre que l’âme d’un vrai chrétien ; tout ce que les autres jettent en pâture à leurs passions de trésors intimes, de tendresse et d’affection, il le garde pour les affections légitimes, pour le sanctuaire béni de la famille, pour le cœur de sa mère, et son amour est d’autant plus fort, qu’il ne le sépare jamais du devoir.

Telle était l’âme d’Hélion de Villeneuve, élevé avant le temps à l’âge d’homme par cette merveilleuse institutrice qu’on appelle la grâce. Son cœur était aussi tendre que pur ; après l’amour de Dieu, l’amour de ses parents le remplissait tout entier. Aimer son père, sa mère, ses sœurs, était toute sa joie, et il trouvait des accents ravissants de douceur et de simplicité pour leur exprimer cet amour.

Écoutez ce que cet enfant de douze ans écrivait à sa mère pour le jour anniversaire de sa naissance, avec un charme d’expression qu’aucun écrivain ne désavouerait :

« C’est aujourd’hui ma plus grande et la seule véritable fête qu’il y ait pour moi, ma chère maman, car c’est aujourd’hui que tout mon bonheur est venu au monde ! »

Peut-on mieux sentir et mieux dire ce qu’on sent ?

« Tu désires, ajoutait-il, savoir ce que je pense du bonheur ? Eh bien, je pense que mon plus grand bonheur est de pouvoir me dire qu’avec la grâce de Dieu, en