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Jésus-Christ a endurées pour nous sauver des peines éternelles de l’enfer. »

La douloureuse passion de Jésus-Christ était le sujet continuel de ses méditations, et, pour s’unir autant qu’il était en lui aux souffrances du Sauveur, il avait imaginé de lui-même de jeûner tous les vendredis. Dès l’âge de sept ou huit ans, il s’imposa cette dure pénitence, et il le fit avec tant d’humilité et de secret, que sa mère ne le sut que par hasard et plusieurs années après. Ce jour-là, en revenant de l’église, il allait à sa chambre comme pour prendre son déjeuner du matin ; mais il n’y touchait pas et le renvoyait secrètement a la cuisine. Il fallut, pour qu’on sût ce pieux manège, qu’on le surprît un jour en flagrant délit de mortification ; et sa mère, émue d’admiration et de joie, le laissa libre de suivre l’instinct de sa piété. Il s’était également imposé la loi de ne jamais manger ni friandises, ni mets sucrés, ni dessert, les vendredis et les samedis, et il continua ces pieuses pratiques longtemps encore après que son enfance eut fait place à l’adolescence.

Enfin, dès ce même âge, il avait l’habitude d’aller à la messe tous les jours, de grand matin, par le froid, la neige ou la pluie ; et le soir aussi, quelque temps qu’il fît, il allait dire ses prières à l’église : enfant respectueux de Jésus-Christ, il commençait et finissait ainsi ses journées à l’ombre des autels, et sa première comme sa dernière visite était pour la maison sacrée de son Père.

Il aimait ses parents comme il aimait Dieu, et la tendresse naturelle de son cœur s’accroissait encore de toute la force de sa piété. C’est en effet une grave et trop commune erreur de s’imaginer que la foi tue ou affaiblit dans le cœur du chrétien les affections naturelles. C’est le christianisme, au contraire, qui a ramené sur la terre tous les amours légitimes que le paganisme en avait ban-