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yeux attachés sur une croix, unissant ses douleurs à celles du Dieu crucifié.

C’était à cette source divine qu’il puisait son courage dans la souffrance, le plus difficile des courages : il comprenait déjà, le saint enfant, que l’amour de Dieu est le seul refuge contre les douleurs humaines, et qu’il n’est pas d’amour de Dieu en dehors de la foi chrétienne. Non, le Dieu des philosophes et des sages n’est pas un Dieu qui console et qu’on aime ; on l’adore à peine, on le craint encore moins : il est trop loin, trop haut, trop abstrait, pour qu’on pense beaucoup à lui et pour qu’il pense lui-même à ses créatures. Le seul Dieu qu’on puisse aimer, et le seul, en effet, qui ait fondé son amour sur la terre, c’est le Dieu incarné, le Dieu crucifié, le Dieu né d’une femme, qui, pour combler la distance infinie qui nous séparait de lui, a voulu vivre, aimer et souffrir comme nous, qui est mort pour nous sauver sur une croix, aussi vraiment homme qu’il est vraiment Dieu, aussi vraiment notre frère et notre ami qu’il est notre père et notre rédempteur ! Voilà le seul Dieu qu’on aime ici-bas, et, s’il est vrai que l’amour de Dieu soit la fin dernière et le devoir de l’homme sur la terre, il est le seul vrai Dieu, puisqu’il est manifestement le seul qui ait fondé et obtenu cet amour.

Cet amour de la croix de Jésus-Christ était le fond même de l’âme d’Hélion de Villeneuve et le principe de toutes ses pensées, de tous ses sentiments, à l’âge où la plupart des enfants savent encore à peine ce que c’est que Jésus-Christ.

« Mon excellente maman, écrivait-il à sa mère, à dix ans pour le jour de sa fête, Dieu nous a tant donné de preuves de son infinie bonté, qu’en cherchant à te donner un souvenir de moi, je n’ai rien trouvé de mieux qu’une croix qui rappelle souffrances que Notre-Seigneur