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héros, ces qualités apparaissent dans les graves circonstances ; mais les qualités douces et simples qui attirent l’amour plutôt que l’admiration, ces vertus de chaque jour, encore plus rares peut-être que les autres, la bonté, la tendresse, le dévouement, tout ce côté charmant et profond de l’âme n’apparaît que dans les événements quotidiens et dans les circonstances vulgaires de la vie.

C’est à ce double point de vue que la vie d’Hélion de Villeneuve-Trans offre un attrait particulier : car il eut à la fois cette grandeur d’âme qu’on admire et cette bonté d’âme qui fait aimer. Sa jeunesse fut cette d’un saint, sa mort fut celle d’un héros et d’un martyr, et je ne crois pas avoir rencontré sur la terre de physionomie plus aimable et plus forte en même temps. C’est cette physionomie que je vais essayer de rendre telle que je la trouve dans mes longs et vivants souvenirs, et dans les souvenirs plus longs et plus vivants encore de sa mère.

Hélion de Villeneuve-Trans naquit à Nancy le 26 juin 1826. Je dirai peu de chose de sa famille, parce qu’elle est connue de tout le monde, et parce que la vanité n’entre pour rien dans cet écrit. Je rappellerai seulement que son nom, qu’il vient d’illustrer encore en mourant, était déjà, au temps de saint Louis, un des noms les plus anciens et les plus vénérés de France.

La première et la plus grande grâce qu’il reçut de Dieu fut de naître, non d’une famille illustre, mais d’une famille chrétienne. Pour être pieux et bon, il n’eut qu’à regarder autour de lui et à suivre des leçons que l’exemple accompagnait toujours. Son excellente nature se développa rapidement dans cette pure atmosphère, sa bonté et sa foi grandirent en même temps, appuyées l’une sur l’autre, ne se séparant jamais, et dès sa plus tendre enfance il donna des signes d’une piété extraordinaire.