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du bien contre la mal se poursuivit avec une ardeur et une confiance toutes nouvelles ; les chrétiens timides reprirent courage ; la foi et l’espérance s’affermirent dans bien des âmes, et le respect humain, cette grande plaie des faibles et cette lâcheté même des courageux, reçut un coup mortel dont il ne s’est jamais relevé. De ce jour, il fut constaté que la religion n’était pas à l’usage seulement des femmes et des ignorants, mais à l’usage de tout le monde, et la démonstration a toujours été en grandissant depuis. Puisse ce mouvement béni, qui ramène les âmes de l’erreur à la vérité, continuer, avec l’aide de Dieu, a grandir encore et toujours ! Puisse-t-il finir par envelopper ceux-là mêmes qu’il épouvanta d’abord et dont plusieurs se sont déjà rendus à la lumière de la foi et à la chaleur de l’éternelle charité !

Avant de quitter Notre-Dame de Paris, je voudrais encore rappeler deux souvenirs qui sont inséparables pour moi de celui de la vieille métropole.

C’est à Notre-Dame qu’eurent lieu, après les fatales journées de juin 1848, les funérailles de Monseigneur Affre, archevêque de Paris, d’immortelle mémoire. C’est au pied de ses autels qu’il avait prié avant d’aller à la mort qui l’attendait sur les barricades ; c’est là qu’il avait fait le sacrifice de sa vie et qu’il avait médité cette grande parole du Maître qui fut aussi la dernière parole du prélat martyr : Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis ! C’est de là qu’il était parti, traversant deux fois Paris, pour aller trouver le chef du pouvoir exécutif, et pour aller ensuite porter aux insurgés des paroles de bénédiction et de paix, toujours simple et ferme, grand et humble, au milieu des acclamations du peuple et de l’armée, comme au milieu des sanglots qui éclataient partout sur son passage, après qu’il eut été mortellement blessé. C’est là, enfin, qu’après le sacrifice con-