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« Tu m’as sauvé la vie, croassa le Corbeau, et je t’ai dit que je te le revaudrai ; je viens tenir ma promesse, car, si tu n’accomplis pas les ordres du Loup, il te croquera en guise de gibier. Suis-moi : je vais faire la chasse ; tu n’auras qu’à ramasser le gibier et à le faire cuire. »

En disant ces mots, il vola au-dessus des arbres de la forêt et se mit à tuer à coups de bec et de griffes tout le gibier qui peuplait cette forêt ; il tua ainsi, pendant cent cinquante jours, un million huit cent soixante mille sept cent vingt-six pièces : Chevreuils, perdrix, bécasses, gélinottes, coqs de bruyère et cailles.

À mesure que le Corbeau les tuait, Henri les dépeçait, les plumait ou les écorchait, et les faisait cuire soit en pâtés, soit en rôtis. Quand tout fut cuit, il rangea tout, proprement, le long de la forêt ; alors le Corbeau lui dit :

« Adieu, Henri, il te reste encore un obstacle à franchir, mais je ne puis t’y aider ; ne perds pas courage ; les fées protègent l’amour filial ! »

Avant que Henri eût le temps de remercier le Corbeau, il avait disparu. Il appela alors le Loup et lui dit :

« Voici, Monseigneur, tout le gibier de vos forêts ; je l’ai cuit comme vous me l’avez ordonné. Veuillez me faire passer le précipice. »

Le Loup examina le gibier, croqua un chevreuil rôti et un pâté, se lécha les lèvres, et dit à Henri :

« Tu es un bon et brave garçon ; je vais te payer de ta peine ; il ne sera pas dit que tu aies travaillé