Page:Ségur - Nouveaux contes de fées.djvu/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cette douleur, mais le regret sincère de sa faute : elle eût volontiers consenti à passer toute sa vie dans cette forêt, si par là elle avait pu racheter la vie de Bonne-Biche et de Beau-Minon.


IX

LA TORTUE


Un jour qu’elle était assise à l’entrée de sa cabane, rêvant tristement comme de coutume à ses amis, à son père, elle vit devant elle une énorme Tortue.

« Blondine, lui dit la Tortue d’une vieille voix éraillée, Blondine, si tu veux te mettre sous ma garde, je te ferai sortir de cette forêt.

— Et pourquoi, Madame la Tortue, chercherais-je à sortir de la forêt ? C’est ici que j’ai causé la mort de mes amis, et c’est ici que je veux mourir.

— Es-tu bien certaine de leur mort, Blondine ?

— Comment ! il se pourrait !… Mais non, j’ai vu leur château en ruine ; le Perroquet et le Crapaud m’ont dit qu’ils n’existaient plus ; vous voulez me consoler par bonté sans doute ; mais, hélas ! je ne puis espérer les revoir. S’ils vivaient, m’auraient-ils laissée seule, avec le désespoir affreux d’avoir causé leur mort ?

— Qui te dit, Blondine, que cet abandon n’est pas forcé, qu’eux-mêmes ne sont pas assujettis à