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mais tu seras la compagne de ma vie, ma seule amie, ma femme en un mot.

— Ta femme, cher frère ! C’est impossible. Comment assoirais-tu sur ton trône une créature aussi laide que ta pauvre Violette ? Comment oserais-tu braver les railleries de tes sujets et des rois voisins ? Moi-même, comment pourrais-je me montrer au milieu des fêtes de ton retour ? Non, mon ami, mon frère, laisse-moi vivre auprès de toi, près de notre mère, seule, ignorée, couverte d’un voile, afin que personne ne me voie et ne puisse te blâmer d’avoir fait un triste choix. »

Le prince Merveilleux insista longuement et fortement ; Violette avait peine à se commander, mais néanmoins elle résistait avec autant de fermeté que de dévouement. Agnella ne disait rien ; elle eût voulu que son fils acceptât ce dernier sacrifice de la malheureuse Violette, et qu’il la laissât vivre près d’elle et près de lui, mais cachée à tous les regards. Passerose pleurait et encourageait tout bas le prince dans son insistance.

« Violette, dit enfin le prince, puisque tu te refuses de monter sur le trône avec moi, j’abandonne ce trône et la puissance royale pour vivre avec toi comme par le passé dans la solitude et le bonheur. Sans toi, le sceptre me serait un trop lourd fardeau ; avec toi, notre petite ferme me sera un paradis. Dis, Violette, le veux-tu ainsi ?

— Tu l’emportes, cher frère ; oui, vivons ici comme nous avons vécu depuis tant d’années, modestes dans nos goûts, heureux par notre affection.