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s’avança lentement vers Ourson, que nous appellerons désormais de son vrai nom, le prince Merveilleux. Elle s’arrêta en face de lui, jeta un coup d’œil furieux sur la fée Drôlette, un coup d’œil de triomphe moqueur sur Violette, croisa ses gros bras gluants sur son ventre énorme, et dit d’une voix aigre et enrouée :

« Ma sœur l’a emporté sur moi, prince Merveilleux. Il me reste pourtant une consolation ; tu ne seras pas heureux, parce que tu as retrouvé ta beauté première aux dépens du bonheur de cette petite sotte qui est affreuse, ridicule, et dont tu ne voudras plus approcher. Oui, oui, pleure, ma belle Oursine ; tu pleureras longtemps et tu regretteras amèrement, si tu ne le regrettes déjà, d’avoir donné au prince Merveilleux ta belle peau blanche.

— Jamais, Madame, jamais ; mon seul regret est de n’avoir pas su plus tôt ce que je pouvais faire pour lui témoigner ma reconnaissance. »

La fée Drôlette, dont le visage avait pris une expression de sévérité et d’irritation inaccoutumée, brandit sa baguette et dit :

« Silence, ma sœur ; vous n’aurez pas longtemps à triompher du malheur de Violette ; j’y porterai remède ; son dévouement mérite récompense.

— Je vous défends de lui venir en aide sous peine de ma colère.

— Je ne redoute pas votre colère, ma sœur, et je dédaigne de vous en punir.

— M’en punir ! Tu oses me menacer ? »