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per, et je vis, comme je l’ai vu le jour où tu m’as sauvée de l’eau, je vis ce hideux Crapaud, posé en dehors de la croisée, qui me regardait d’un œil menaçant. Il disparut, me laissant plus morte que vive. Je me levai, je m’habillai, et je viens te trouver, mon frère, mon ami, pour te prémunir contre la méchanceté de la fée Rageuse, et pour te supplier de recourir à la bonne fée Drôlette. »

Ourson l’avait écoutée avec terreur ; ce n’était pas le sort dont il était menacé qui causait son effroi ; c’était le sacrifice qu’annonçait Rageuse, et qu’il ne comprenait que trop bien. La seule pensée que sa charmante, sa bien-aimée Violette, s’affublât de sa peau d’ours par dévouement pour lui, le faisait trembler, le faisait mourir. Son angoisse se peignit dans son regard ; car Violette, qui l’examinait avidement, se jeta à son cou en sanglotant :

« Hélas mon frère bien-aimé ! tu me seras bientôt ravi ! Toi qui ne connais pas la peur, tu trembles ! Toi qui me rassures et me soutiens dans toutes mes terreurs, tu ne trouves pas une parole pour ranimer mon courage ! toi qui luttes contre les dangers les plus terribles, tu courbes la tête, tu te résignes !

— Non, ma Violette, ce n’est pas la peur qui me fait trembler, ce n’est pas la peur qui cause mon trouble ; c’est une parole de la fée Rageuse dont tu ne comprends pas le sens, mais dont moi je sais toute la portée ; c’est une menace adressée à toi, ma Violette ; c’est pour toi que je tremble ! »