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tôt Rosalie vit le prince lui-même sortir des décombres, ensanglanté, couvert de haillons. Il s’avança vers elle et lui dit tristement :

« Rosalie, ingrate Rosalie, vois à quel état tu m’as réduit, moi et toute ma cour. Après ce que tu viens de faire, je ne doute pas que tu ne cèdes une troisième fois à ta curiosité, que tu consommes mon malheur, celui de ton père et le tien. Adieu, Rosalie, adieu ! Puisse le repentir expier ton ingratitude envers un malheureux prince qui t’aimait et qui ne voulait que ton bonheur ! »

En disant ces mots, il s’éloigna lentement. Rosalie s’était jetée à genoux ; inondée de larmes, elle l’appelait, mais il disparut à ses yeux, sans même se retourner pour contempler son désespoir. Elle était prête à s’évanouir, lorsqu’elle entendit le petit rire discordant de la Souris grise, qui était devant elle.

« Remercie-moi donc, Rosalie, de t’avoir si bien aidée. C’est moi qui t’envoyais la nuit ces beaux rêves de la toile mystérieuse ; c’est moi qui ai rongé la toile pour te faciliter les moyens d’y regarder ; sans cette dernière ruse, je crois bien que tu étais perdue pour moi, ainsi que ton père et ton prince Gracieux. Mais encore une petite peccadille, ma mie, et vous serez à moi pour toujours. »

Et la Souris, dans sa joie infernale, se mit à danser autour de Rosalie ; ces paroles, toutes méchantes qu’elles étaient, n’excitèrent pas la colère de Rosalie.

« C’est ma faute, se dit-elle ; sans ma fatale